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(re)mise-en-scène Marie Havel Artiste site art

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"(re)mise-en-scène", exposition collective, Galerie Jean-Louis Ramand, Aix-en-Provence, 17 septembre - 5 octobre 2019.

"(re)mise-en-scène", group show, Galerie Jean-Louis Ramand, Aix-en-Provence, 17th September - 5th October 2019.

Site internet de la Galerie Jean-Louis Ramand / Jean-Louis Ramand Gallery's website https://www.galeriejeanlouisramand.com/

Pour sa nouvelle exposition collective à Aix-en-Provence la Galerie Jean-Louis Ramand est heureuse de réunir quatre de ses artistes visuels interrogeant la condition de l’image construite à travers le dessin contemporain.

Deux univers seront présentés, un choix qui reflète une diversité des sujets et des médiums. Cette exposition est inscrite dans la Saison du dessin initié par Paréidolie. Exposition du 17 septembre au 5 octobre 2019 - Vernissage le samedi 21 septembre à17h.

« La mise en scène est questionnement, interprétation, quête d’illusion, travail du vrai pour inventer l’imaginaire. Définie par André Antoine comme « art de dresser sur les planches l'action et les personnages imaginés par l’auteur dramatique », elle traverse également les arts visuels dont elle dicte les compositions. Au gré de cette exposition collective, les travaux de quatre artistes questionnent ainsi l’image construite tant dans les champs du dessin que de la photographie contemporaine.

 

Chaque production implique l’existence d’un projet à travailler selon une « cosa mentale », d’après les conceptions défendues par Léonard de Vinci. Cette idée en germe croît en esprit avant de s’incarner dans l’œuvre d’art elle-même. Le visuel ainsi enfanté est traduction d’un conceptuel subjectif conçu au miroir de l’expérience personnelle, parfaitement incarné dans les œuvre de Marie Havel. La maîtrise technique s’emploie alors à contrecarrer un réalisme ouvert à de nouveaux regards, tels que l’exposent les adolescents de Marie Boralevi. Ils invitent le spectateur à (re)mettre en question ses perceptions propres, alors que l’œuvre transcrit une reconstruction particulière du réel.

 

Comme toute traduction, l’art s’éparpille en approximations, en conjectures et suppositions, suite intellectuelle de nos perceptions sensibles. Les artistes s’en emparent et jouent, comme Fabien Granet, avec les notions de visible et d’invisible, de construction et de destruction, de réel ou d’imaginaire. Ces lectures multiples ouvrent vers un réalisme qui n’en porterait que le nom, par exemple détourné en incarnations fantastiques chez Silène Audibert. L’artiste s’empare du monde par fractions puis contorsionne ces éléments choisis : il joue avec le réel, tout comme l’acteur sur scène. Il (re)met en scène nos perceptions pour questionner notre présence au monde, ouvrant une nouvelle fenêtre sur le monde des possibles.

 

Pour Platon, cette création artistique renvoie à l’imitation d’un modèle perçu par nos sens. Dans ce système, le monde des idées se reflète dans le monde concret. L’artiste emprunte des bribes du réel, l’exprime en le transfigurant : réalité vraie et réalité interprétée se croisent, se complètent pour mieux interroger notre propre appréhension du monde qui nous entoure.

 

C’est cette démarche de l’esprit qu’évoque Fabien Granet dans ses paysages, où lambeaux et fragments s’emmêlent en un réagencement du réel. Bribes d’architectures et figures géométriques y entraînent l’homme et son regard. Le paysage est création humaine, mais comment l’homme cherche-t-il à le percevoir, comment en comprend-il les constructions, quelle en est son image mentale ? Chaos et structure se croisent en un paradoxe de notre vision du monde : l’artiste en cueille les éléments sensibles dans une réflexion sur les possibles en devenir.

 

Ceux-ci tendent immuablement à la finitude, à la ruine de ce qui a été. Mais la ruine est-elle disparition ? Elle serait plutôt continuité chez Marie Havel : c’est en échappant à leurs rôles premiers que les bunkers de ses Flocages deviennent visibles. Du déconstruit surgit le construit : l’art a la force de réunir ces dynamiques contraires.

 

Une réalité en recouvre une autre ; l’enfant expérimente cette vanité de l’échec, cœur même de ses jeux. L’on retrouve cette approche au sein de Jumanji, série soulignant la tension de cet échafaudage en équilibre, voué à une ruine provisoire puisque sans cesse écroulé puis rebâti. De même l’artiste expérimente le réel, en prélève les échantillons nécessaires à la création de mondes réagencés au miroir de sa subjectivité.

 

L’œuvre rassemble ainsi des éléments tangibles pour les structurer de façon contradictoire. Ce sont les êtres fantastiques surgis des traits de Silène Audibert. Ses personnages sont le fruit de combinaisons souples, d’associations et de métamorphoses, dans une exploration de l’architecture du vivant qui rappelle les antiques grotesques. Pour le philosophe Theodor W. Adorno, l’œuvre d’art est finalement une évocation de ce qui n’est pas, à partir de la monstration de ce qui est.

 

L’artiste choisit dans une bibliothèque personnelle issue de ses expériences les éléments qu’elle combine en un assemblage imaginaire. En rupture avec ce qui existe, l’œuvre a dès lors le pouvoir d’évoquer « la possibilité du possible ». L’art ouvre à la représentation de chaque univers intime ; il n’oppose aucune limite au concevable, n’interdit aucune irrationalité. Jaillissent ici des protagonistes dont l’apparence entière semble issue des contes de notre enfance, être multiples troublants des légendes qu’ils véhiculent.

 

Ils se rapprochent en cela des adolescents de Marie Boralevi, êtres en transition dont l’âge traduit tous les possibles de l’humanité. Leurs corps sont bricolages de détails organiques et ornementaux. Né d’un vaste répertoire iconique dont l’artiste choisit les détails qu’elle assemble en un modèle numérique, ils sont ensuite imprimés au laser. Par doux frottements, elle transfère ensuite leur image sur un papier japon avant de l’accentuer au graphite. Hors du temps, dans une possible nature primitive, homme et animal se peuvent confondre en des figures synthétisant influences historiques, mythiques et sociologiques dans des corps dénudés, pourtant vêtus de références.

 

Le réalisme y est abstrait, révélateur de l’animalité que chacun souhaite cacher derrière un masque social, les codes d’une tribu qu’il rejoindra. Il ne s’agit pas tant de décrire que d’ouvrir au questionnement de ces êtres en devenir, de l’équilibre fragile de la condition humaine, synthèse des perceptions transcrites par l’artiste dans ses dessins. »

Blandine Boucheix

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